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« je ne suis pas d’accord avec cela », « ceci est épatant », « cela est complètement fou » (cette dernière antithèse est de mon patron). On conclut : « C’est très intéressant », et on passe à autre chose. On ne s’est pas fatigué.

Qu’attendre d’autre ? Je suis persuadée que les chrétiens les plus fervents parmi eux ne concentrent pas beaucoup davantage leur attention quand ils prient ou lisent l’Évangile.

Pourquoi supposer que c’est mieux ailleurs ? J’ai déjà connu quelques-uns de ces ailleurs.

Quant à la postérité, d’ici qu’il y ait une génération avec muscle et pensée, les imprimés et manuscrits de notre époque auront sans doute matériellement disparu.

Cela ne me fait aucune peine. La mine d’or est inépuisable.

Quant à l’inefficacité pratique de mon effort d’écrire, dès lors qu’on ne m’a pas confié la tâche que je désirais, ça ou autre chose… (je ne peux pas d’ailleurs me représenter pour moi la possibilité d’autre chose).

Voilà.

Votre rencontre éventuelle avec Antonio[1] est maintenant la pensée qui m’occupe le plus. Mais il ne faut pas trop y compter, crainte de déception. Je ne sais toujours rien à ce sujet.

Au revoir, darlings. Je vous embrasse mille fois.

Simone.




28 juillet 1943
Darlings,

Je reçois à l’instant deux lettres (7 et 14 juillet). Cela rend le dialogue plus facile.

  1. Voir note page 248.