Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/27

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le langage de Platon, quand celle-ci garde quelques traces d’un dressage imposé par l’opération surnaturelle de la grâce. Quand elles ne reçoivent pas continuellement un renouveau d’existence d’un renouveau de cette opération, quand elles n’en sont que des survivances, elles se trouvent par nécessité sujettes au caprice de la bête.

Les notions de droit, de personne, de démocratie sont dans cette catégorie. Bernanos a eu le courage d’observer que la démocratie n’oppose aucune défense aux dictateurs. La personne est par nature soumise à la collectivité. Le droit est par nature dépendant de la force. Les mensonges et les erreurs qui voilent ces vérités sont extrêmement dangereux, parce qu’ils empêchent d’avoir recours à ce qui seul se trouve soustrait à la force et en préserve ; c’est-à-dire une autre force, qui est le rayonnement de l’esprit. La matière pesante n’est capable de monter contre la pesanteur que dans les plantes, par l’énergie du soleil que le vert des feuilles a captée et qui opère dans la sève. La pesanteur et la mort reprendront progressivement mais inexorablement la plante privée de lumière.

Parmi ces mensonges se trouve celui du droit naturel, lancé par le xviiie siècle matérialiste. Non pas par Rousseau, qui était un esprit lucide, puissant, et d’inspiration vraiment chrétienne, mais par Diderot et les milieux de l’Encyclopédie.

La notion de droit nous vient de Rome, et, comme tout ce qui vient de la Rome antique, qui est la femme pleine des noms du blasphème dont parle l’Apocalypse, elle est païenne et non baptisable. Les Romains, qui avaient compris, comme Hitler, que la force n’a la plénitude de l’efficacité que vêtue de quelques idées, employaient la notion de droit à cet usage. Elle s’y prête très bien. On accuse l’Allemagne moderne de la mépriser. Mais elle s’en est servie à satiété dans ses revendications de nation prolétaire. Elle ne reconnaît,