Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/50

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fixée sur le but, est inévitablement sollicitée par les obstacles.

Elle est sollicitée par eux seuls. Là où il n’y en a pas, elle ne s’arrête pas. Ce qui dans la matière de son action ne constitue pas un obstacle — par exemple les hommes privés de la faculté du refus — est transparent pour elle comme le verre tout à fait limpide pour le regard. Il ne dépend pas d’elle de s’y arrêter, de même qu’il ne dépend pas du regard de voir le verre.

Celui qui ne voit pas une vitre ne sait pas qu’il ne la voit pas. Celui qui, étant situé autrement, la voit, ne sait pas que le premier ne la voit pas.

Quand notre vouloir se trouve être traduit hors de nous à travers des actions exécutées par d’autres, nous ne dépensons pas notre temps et notre force d’attention à examiner s’ils y ont consenti. Cela est vrai pour nous tous. Notre attention, dépensée tout entière pour le succès de l’entreprise, n’est pas sollicitée par eux tant qu’ils sont dociles.

Cela est nécessaire. S’il en était autrement, les choses ne se feraient pas, et si les choses ne se faisaient pas nous péririons.

Mais de ce fait l’action est souillée de sacrilège. Car le consentement humain est chose sacrée. Il est ce que l’homme accorde à Dieu. Il est ce que Dieu vient chercher comme un mendiant auprès des hommes.

Ce que Dieu supplie continuellement chaque homme d’accorder, c’est cela même que les autres hommes méprisent.

Le viol est une affreuse caricature de l’amour d’où le consentement est absent. Après le viol, l’oppression est la seconde horreur de l’existence humaine. C’est une affreuse caricature de l’obéissance. Le consentement est essentiel à l’obéissance comme à l’amour.

Les bourreaux de la cité de Mélos étaient des païens, au sens haïssable du mot, au lieu que leurs pères ne l’avaient pas été. En une seule phrase, ils ont complète-