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Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/55

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l’obéissance consentie et l’obéissance non consentie. Là où il y a obéissance consentie, il y a liberté, et nulle part ailleurs.

Ce n’est pas dans un Parlement, dans une presse, dans aucune institution que peut résider la liberté. Elle réside dans l’obéissance. Là où l’obéissance n’a pas partout une saveur quotidienne et permanente de liberté, il n’y a pas liberté. La liberté est la saveur de la vraie obéissance.

Les formes et les expressions du consentement varient beaucoup avec les traditions et les milieux. Ainsi une société composée d’hommes beaucoup plus libres que nous peut, si elle est très différente de nous, paraître despotique à notre ignorance. Nous ignorons qu’il y a hors du domaine des mots des différences de langage et des possibilités de contresens. Et nous entretenons cette ignorance en nous, parce qu’elle flatte en nous tous un goût honteux, inavoué, pour les conquêtes qui asservissent sous couleur de libération.

D’un autre côté, il y a une certaine espèce de dévouement liée à l’esclavage qui, loin d’être un signe de consentement, est l’effet direct d’un système de contrainte brutale ; car dans le malheur la nature humaine cherche désespérément des compensations n’importe où. Haine, morne indifférence, attachement aveugle, tout lui est également bon pour échapper à la pensée du malheur.

Là où il y a liberté, il y a épanouissement de bonheur, de beauté et de poésie ; c’en est peut-être la seule marque certaine.

La pensée démocratique contient une grave erreur, c’est de confondre avec le consentement une certaine forme du consentement, qui n’est pas la seule, et qui peut facilement, comme toute forme, être une forme vide.

Notre démocratie parlementaire était vaine, puisqu’en choisissant une partie de nos chefs nous les