Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/58

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Il faut un amour bu tout naturellement avec le lait, et qui porte les adolescents à conclure une fois pour toutes, au plus secret de leur cœur, un pacte de fidélité dont une vie entière d’obéissance ne soit que le prolongement.

Il faut que les formes de la vie sociale soient calculées de manière à rappeler sans cesse à la population, dans le langage symbolique le plus intelligible pour elle, le plus conforme à ses coutumes, à ses traditions, à ses attachements, le caractère sacré de cette fidélité, le libre consentement d’où elle est issue, les obligations rigoureuses qui en procèdent.

De ce point de vue, en France, la République, le suffrage universel, un syndicalisme indépendant sont tout à fait indispensables. Mais c’est infiniment loin d’être suffisant, puisque ces choses étaient devenues indifférentes, et n’ont recommencé à susciter un intérêt qu’un long intervalle de temps après qu’elles avaient été détruites.

Quant à l’Empire, si les indications qui précèdent contiennent de la vérité, elles obligent rigoureusement, sous peine de mensonge, à poser tous les problèmes relatifs aux colonies sous un jour absolument autre qu’on ne fait.

Nous ne trouverons pas la liberté, l’égalité, la fraternité sans un renouvellement des formes de vie, une création en matière sociale, un jaillissement d’inventions.

Mais il semble que nous soyons trop épuisés pour un jaillissement.

Les hommes dans leur ensemble sont arrivés moralement à ce degré de maladie où il semble n’y avoir de guérison que miraculeuse. Miraculeuse, c’est-à-dire non pas impossible, mais possible seulement à certaines conditions.

Les conditions auxquelles une âme peut être ouverte à la grâce sont d’une autre espèce que celles d’une