Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/64

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sol, sans même baisser les yeux pour voir où il roulait. Les passants le heurtaient du pied.

Dans ces conditions, en quoi consiste la relation du général de Gaulle avec la légitimité ?

En ceci. Le trésor étant par terre, méprisé de tous, il l’a ramassé, rangé, et a fait savoir publiquement qu’il s’en constituait le gardien jusqu’au jour où le propriétaire serait en état de le réclamer.

Ce rôle de dépositaire, personne, sur le moment ni par la suite, ne le lui a contesté, hors des hommes coupables d’intelligences avec l’ennemi et dont les paroles, de ce fait, ne comptent pas. En pareil cas, la non-contestation est une confirmation.

Si un homme recueille un enfant dont le père est prisonnier et la mère déportée en Allemagne ; s’il fait savoir dans les journaux qu’il a l’intention de faire vivre l’enfant chez lui jusqu’à ce que les parents viennent le chercher ; si pendant plusieurs années aucun proche ou ami de la famille ne proteste ; si l’enfant est bien traité : il est juste que cet homme ait provisoirement la tutelle de l’enfant. Il serait stupide et criminel de lui enlever l’enfant pour le mettre à l’Assistance publique.

C’est le sentiment instinctif de cette situation qui a provoqué en France des déclarations en faveur de de Gaulle. Ces déclarations reconnaissent une certaine espèce de légitimité objective. Elles ne la fondent pas. Elles seraient par elles-mêmes impuissantes à fonder aucune légitimité. Les mouvements de résistance n’ont aucunement qualité pour donner un chef à la France. Les Français venus de France à Londres, de quelque manière qu’ils aient été mandatés, n’ont pas qualité pour conférer un surcroît de légitimité au général de Gaulle.

Notre mouvement ne peut trouver de vie que dans et par la vérité. Le mensonge, l’erreur lui sont mortels.