Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/68

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personnelle et celle des membres du Comité National seulement, nullement l’autorité des bureaux techniques, qui entre en ligne de compte relativement à la légitimité.

Les moyens matériels d’exercer une autorité en France se trouvant tous aux mains des Anglais, toutes les fois qu’on proclame la légitimité du général de Gaulle sur un ton qui, en fait, cause de l’irritation parmi les Anglais, on diminue en fait cette légitimité même qu’on proclame.

Mais en supposant les relations entre le Comité National et la France aussi satisfaisantes que possible, le gouvernement provisoire, constitué sur le territoire nouvellement libéré, sera quand même infiniment loin de posséder un degré de légitimité qui réponde aux responsabilités effroyables auxquelles il ne pourra se soustraire.

Une représentation nationale provisoire n’y apporterait aucun remède, car elle-même n’enfermerait aucune légitimité.

Aussi longtemps que la Constitution de 1875 a été plus ou moins reconnue par le peuple français comme la norme de la légitimité, le Parlement élu était légitime ; il l’était non du fait qu’il était élu, mais par la conformité avec la Constitution. Le régime de 1875 étant un cadavre, toute légitimité a disparu des institutions qu’il enfermait, y compris le scrutin. Il n’y a dans un scrutin aucune vertu intrinsèque de légitimité.

Peut-on sérieusement croire qu’une cohue d’hommes hâtivement désignés par des populations à moitié folles de malheur et d’espérance décideraient légitimement l’orientation économique et sociale du pays pour un très long avenir, la structure de l’Empire, la vie et la mort d’une foule de Français ?

Si une assemblée provisoire est sans légitimité ; si un gouvernement provisoire en est lui aussi très dénué ; les deux ensemble en auront moins que chacun sépa-