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En fait, dans le système monarchiste, le double mécanisme fonctionne très imparfaitement. Il est facilement enrayé, et, une fois enrayé, est le plus souvent impossible à réparer.

Dans le régime parlementaire, le scrutin répond à la première fin. La vertu n’en réside pas dans le fait même du choix ― qui s’opère à peu près au hasard ― mais dans le sentiment qui en résulte chez l’élu, d’avoir été choisi et d’avoir en conséquence des obligations. De même pour le président du Conseil, choisi, en somme, par les Assemblées.

Le mécanisme pénal était constitué, pour les élus, par la durée limitée du mandat, pour le président du Conseil par la responsabilité devant les Chambres. Le chef du gouvernement et le député qui abusaient de leur fonction pouvaient craindre, l’un d’être renversé, l’autre de n’être pas réélu.

En fait, depuis longtemps, aucun des deux mécanismes ne fonctionnait plus. Il n’y a pas de légitimité sans dignité, et l’usage des méthodes inventées par la publicité commerciale faisait de la campagne électorale une espèce de prostitution. Les élections apparaissaient comme une farce où tout se combinait pour communiquer l’impression de l’illégitimité aux électeurs comme aux élus. De même pour les marchandages parlementaires qui précédaient la formation d’un gouvernement.

Les fonctions de parlementaire, de ministre, de président du Conseil étaient en fait des professions, et le nombre des professionnels ne dépassait pas de très loin celui des places disponibles. Les intéressés veillaient à ce qu’il en fût ainsi. Ce fait avait tout à fait arrêté le mécanisme pénal. Tout président du Conseil ou ministre renversé, tout député sortant non réélu, avait des chances sérieuses de reparaître triomphalement, un jour prochain, sur la scène politique, même s’il y avait eu scandale.