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L’obligation a pour objet les besoins terrestres de l’âme et du corps des êtres humains quels qu’ils soient. À chaque besoin répond une obligation. À chaque obligation correspond un besoin. Il n’est pas d’autre espèce d’obligation relative aux choses humaines.

Si l’on croit en apercevoir d’autres, ou elles sont mensongères, ou c’est par erreur qu’elles ne sont pas classées dans cette espèce.

Quiconque a son attention et son amour tournés en fait vers la réalité étrangère au monde reconnaît en même temps qu’il est tenu, dans la vie publique et privée, par l’unique et perpétuelle obligation de remédier, dans l’ordre de ses responsabilités et dans la mesure de son pouvoir, à toutes les privations de l’âme et du corps susceptibles de détruire ou de mutiler la vie terrestre d’un être humain quel qu’il soit.

La limite répondant aux bornes du pouvoir et à l’ordre des responsabilités n’est légitime que si le possible a été accompli pour porter la nécessité qui l’impose à la connaissance de ceux qui en subissent les conséquences, sans aucun mensonge et de manière telle qu’ils puissent consentir à la reconnaître.

Aucun concours de circonstances ne soustrait jamais personne à cette obligation universelle. Les circonstances qui semblent en dispenser à l’égard d’un homme ou d’une catégorie d’hommes ne l’imposent que plus impérieusement.

La pensée de cette obligation circule parmi tous les hommes sous des formes très différentes et avec des degrés de clarté très inégaux. Les hommes inclinent plus ou moins fortement soit à consentir, soit à refuser de l’adopter comme règle de leur conduite.

Le consentement est le plus souvent mêlé de mensonge. Quand il est sans mensonge, la pratique n’est pas sans défaillance. Le refus fait tomber dans le crime.

La proportion de bien et de mal dans une société