Page:Weil - Intuitions pré-chrétiennes, 1951.djvu/101

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Aux mortels j’ai porté secours, et moi j’ai trouvé des souffrances
Pourtant je n’ai pas cru payer une telle rançon.
et, complètement desséché sur ces rochers élevés,
avoir pour lot le désert de ce mont abandonné.
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Vois ce spectacle, cet ami de Zeus,
Qui a aidé à établir sa royauté,
sous quelles tortures il me fait plier.
(Océan) — Rien n’est mieux que de vouloir le bien d’autrui au point de paraître insensé.
Pr.— C’est moi qui paraîtrai être dans cette erreur.
(Océan) — Toi, Prométhée, ton malheur est un enseignement.
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Pr.— Une pensée me mord le cœur
Quand je vois comme on m’a outragé.
Pourtant, à ces dieux nouveaux, leurs privilèges,
quel autre, sinon moi seul, les a déterminés ?
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… Des mortels les malheurs,
écoutez-les et comment, eux qui ne savaient rien d’abord,
j’ai mis en eux l’esprit et la possession de la sagesse.
Je le dirai, non pas pour blâmer aucunement les hommes,
mais pour montrer ce qu’il y eut de bonté dans mes dons.
Eux qui au début, lorsqu’ils voyaient, voyaient en vain,
entendaient sans entendre ; et semblables
aux formes des songes, toute leur longue vie,
ils mêlaient tout au hasard.
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(V. 450.)
Toutes ces inventions, je les ai trouvées, moi malheureux,
pour les mortels ; et moi-même je n’ai pas de sagesse qui puisse
de la torture maintenant présente me délivrer.
Chœur — Tu souffres une douloureuse humiliation. Tombé de ta sagesse
Tu erres, comme si un mauvais médecin à la maladie
succombait. Tu as perdu courage, et pour toi-même tu n’es pas capable
de trouver par quels remèdes te guérir.