Page:Weil - Intuitions pré-chrétiennes, 1951.djvu/116

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lument pas le faux, car il ne leur appartient pas. Le mensonge et l’envie appartiennent à l’essence de ce qui est illimité, impensable et sans proportion.

Le faux n’envoie jamais son esprit dans le nombre car il lui est essentiellement ennemi et hostile. La vérité appartient à la production du nombre, elle est de même racine.

L’essence du nombre est productrice de connaissance, un guide et un maître pour quiconque est dans l’embarras ou l’ignorance à n’importe quel égard. Car il n’y aurait rien de clair dans les choses, ni en elles-mêmes, ni dans leurs relations mutuelles, s’il n’y avait pas le nombre et son essence. Mais voilà que lui, ajustant à travers toute l’âme toutes choses à la sensation, les rend connaissables et mutuellement accordées et leur donne un corps et sépare avec force chaque rapport des choses illimitées et limitantes.

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Voici ce qu’il en est de la nature et de l’harmonie. Ce qu’est l’essence éternelle des choses et la nature en elle-même ne peut être connu que par la divinité et non par l’homme, sinon seulement ceci. Aucune des réalités ne pourrait même être connue de nous s’il n’y avait comme support l’essence des choses dont l’ordre du monde est composé, les unes limitantes, les autres illimitées. Dès lors que les principes qui supportent tout ne sont pas semblables ni de même racine, il serait impossible qu’à partir d’eux il y eût un ordre du monde si l’harmonie ne s’y ajoutait d’une manière quelconque. Car les choses semblables et de même racine n’ont aucun besoin d’harmonie ; celles qui ne sont pas semblables, ni de même racine, ni de même rang, il est nécessaire qu’elles soient enfermées ensemble sous clef par une harmonie capable de les maintenir dans un ordre du monde.