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qui suit la divinité est avant toute chose maître de la langue » (cf. épître de saint Jacques) ; « ne pas se regarder dans un miroir à côté d’une lampe », ce qui veut dire peut-être ne pas penser à soi quand on pense à Dieu ; « ne manquer de foi pour aucune merveille concernant les dieux et les dogmes divins » ; « ne pas ronger son cœur » ; « ce qui est le plus juste, c’est le sacrifice ; ce qui est le plus sage, c’est le nombre ». Ceci rend un son singulier : « ne pas briser le pain, car ce n’est pas avantageux pour le jugement de l’autre monde ».

Certaines formules sont très obscures, comme celle-ci qu’Aristote cite avec dédain : ἡ δικαιοσύνη ἀριθμὸς ἰσάκις ἴσος (hé dikaiosunê arithmos isakis isos), « la justice est un nombre à la deuxième puissance ». Ou celle-ci citée par Diogène Laërce : φιλίαν ἐναρμόνιον ἰσὀτητα (philian enarmonon isotêta), « l’amitié est une égalité faite d’harmonie ».

Ces deux formules et beaucoup d’autres citées plus haut ont pour clef les notions de moyenne proportionnelle et de médiation au sens théologique, la première étant l’image de la seconde.

On sait que chez les Pythagoriciens un est le symbole de Dieu. Plusieurs témoignages, dont celui d’Aristote, l’affirment pour Platon. Héraclite aussi, très proche des Pythagoriciens à beaucoup d’égards, — contrairement à l’opinion commune, — disait : Le Un, cet unique sage, veut et ne veut pas être nommé Zeus.

Les Pythagoriciens regardaient les choses créées comme ayant chacune un nombre pour symbole. Peu importe ici comment ils concevaient ce nombre et le lien entre le nombre et la chose.

Parmi les nombres, certains ont avec l’unité un lien particulier. Ce sont les nombres qui sont des puissances