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secondes ou des carrés. Par une médiation il y a entre eux et l’unité une égalité de rapports.


Quand le Fils de Dieu est dans une créature raisonnable comme le Père est dans le Fils, cette créature est parfaitement juste. Platon dit dans le Théetète que la justice est l’assimilation à Dieu. Similitude, au sens géométrique, veut dire proportion. La formule si mystérieuse des Pythagoriciens et celle de Platon, qui semble claire, ont le même sens. Est juste quiconque devient au Fils de Dieu, comme le Fils est à son Père. Sans doute cette identité de rapports n’est pas littéralement possible. Pourtant la perfection proposée à l’homme doit être quelque chose comme cela, car dans beaucoup de formules de saint Jean les mêmes mots sont répétés pour désigner le rapport des disciples au Christ et du Christ à son Père. L’allusion à la formule mathématique de la proportion est évidente.

Le passage du Timée sur la proportion pourrait à la rigueur être interprété comme s’appliquant uniquement à la mathématique s’il n’y avait plusieurs indications nettes en sens contraire. D’abord dans le passage lui-même. « Le plus beau des liens est celui qui rend au plus haut degré un soi-même et les termes liés. » Cette condition n’est vraiment réalisée que lorsque non seulement le premier terme, mais aussi le lien lui-même, est un, c’est-à-dire Dieu. Cette interprétation, il est vrai, ne s’impose pas. Mais Platon emploie le même mot de lien pour définir, dans le Banquet, la fonction médiatrice de l’Amour entre la divinité et l’homme. Puis les mots de