Page:Weil - Intuitions pré-chrétiennes, 1951.djvu/125

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de tous les prophètes d’Israël, il s’est reconnu aussi comme étant cette moyenne proportionnelle à laquelle les Grecs avaient pensé tellement intensément pendant des siècles.

Si on considère les nombres entiers, on en voit deux espèces ; ceux qui sont liés à l’unité par une moyenne proportionnelle, 4, 9, 16, d’une part, et d’autre part tous les autres. Si les premiers sont une image de la parfaite justice, comme disaient les Pythagoriciens, nous ressemblons aux autres, nous qui sommes dans le péché.

Est-ce à force, de chercher intensément une médiation pour ces nombres misérables que les Grecs ont découvert la géométrie ? Une telle origine de la géométrie s’accorderait bien aux paroles de Philolaos, citées plus haut, et aussi à celle de l’Épinomis, ouvrage qu’on sent tout imprégné de l’enseignement oral de Platon : « Ce qu’on nomme ridiculement géométrie, et qui est l’assimilation des nombres non naturellement semblables entre eux, assimilation rendue manifeste par la destination des figures planes ; merveille qui vient de Dieu et non des hommes, comme il est manifeste pour quiconque est capable de penser. »

Ces lignes définissent la géométrie comme la science de ce qu’on nomme aujourd’hui le nombre réel, dont la racine carrée de deux ou de tout autre nombre non carré est un exemple. Elles définissent la géométrie exactement comme la science des racines carrées irrationnelles.

La notion de triangles semblables, attribuée à Thalès, se rapporte à la proportion, mais non à la médiation. Elle implique une proportion de quatre termes : . On ne peut, faute de documents, ni admettre, ni rejeter la possibilité que Thalès, en l’étudiant, ait eu en vue de faciliter