Page:Weil - Intuitions pré-chrétiennes, 1951.djvu/126

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l’étude de la médiation (c’est-à-dire la proportion à 3 termes : )

Il est certain en revanche que si, possédant seulement la connaissance des conditions de similitude des triangles, on pose le problème : Trouver la moyenne proportionnelle entre deux segments, des démarches rigoureusement coordonnées de la pensée peuvent amener à transformer l’énoncé du problème en celui-ci : Construire un triangle rectangle étant donnés l’hypoténuse et le pied de la hauteur.

L’inscription du triangle rectangle dans le cercle, qui fournit la solution de ce second problème, est le théorème pour lequel on dit que Pythagore offrit un sacrifice.

En tout cas, que la géométrie ait été ou non dès avant sa première origine une recherche de la médiation, elle offrait cette merveille d’une médiation pour les nombres qui en étaient naturellement privés. Cette merveille fut longtemps, dit-on, un des grands secrets pythagoriciens. Ou plus exactement, leur secret fut l’incommensurabilité des termes d’une telle proportion. On a cru à tort qu’ils gardaient cette merveille secrète parce qu’elle démentait leur système ; une telle bassesse n’aurait pas été digne d’eux.

Chez eux les mots ἀριθμός (arithmos) et λόγος (logos) étaient synonymes. Ils nommaient les rapports incommensurables ἄλογοι (alogoi). Pour lier à l’unité les nombres qui ne sont pas des carrés, il faut une médiation qui vient du dehors, d’un domaine étranger au nombre, et qui ne peut remplir cette fonction qu’au prix d’une contradiction. Cette médiation entre l’unité et le nombre est en apparence quelque chose d’inférieur au nombre, quelque chose d’indéterminé. Un logos alogos