Page:Weil - Intuitions pré-chrétiennes, 1951.djvu/137

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valente à celle d’égalité harmonique employée par Pythagore. L’un et l’autre terme constituent sans doute des expressions techniques dont le sens était rigoureusement défini, à savoir l’égalité entre deux rapports ayant un terme commun, du type . Car l’adjectif géométrique dans des termes tels que moyenne géométrique, progression géométrique, indique la proportion. Les phrases de saint Jean citées plus haut ont cet aspect de formule algébrique d’une manière tellement nette, tellement insistante, qu’il est manifeste que cela est voulu et qu’il y a là une allusion. Platon pouvait, certes, dire légitimement « l’égalité géométrique a un grand pouvoir et sur les dieux et sur les hommes ». D’après la définition de l’amitié, l’autre expression du même passage : « l’amitié unit le ciel et la terre, les dieux et les hommes » a exactement le même sens. En inscrivant à la porte de son école « Nul n’entre ici s’il n’est géomètre », Platon affirmait sans doute sous forme d’énigme, et pour ainsi dire de calembour, la vérité que le Christ exprimait par la parole : « Nul ne va au Père sinon par moi. » L’autre formule de Platon : « Dieu est un perpétuel géomètre », est sans doute à double sens et se rapporte à la fois à l’ordre du monde et à la fonction médiatrice du Verbe. En somme, l’apparition de la géométrie en Grèce est la plus éclatante parmi toutes les prophéties qui ont annoncé le Christ. On peut comprendre ainsi que, par l’effet de l’infidélité, la science soit devenue pour une part un principe de mal, de même que le diable est entré en Judas quand il eut reçu du pain de la main du Christ. Les choses indifférentes restent toujours indifférentes ; ce sont les choses divines qui, par le refus de l’amour, prennent une efficacité diabolique. Dans l’influence de la science sur