croit l’être. C’est là sans doute le sens de cette parole profonde des Hindous, qu’il faut concevoir Dieu à la fois comme personnel et comme impersonnel.
Seul le vrai renoncement au pouvoir de tout penser à la première personne, ce renoncement qui n’est pas un simple transfert, permet à un homme de savoir que les autres hommes sont ses semblables. Ce renoncement n’est pas autre chose que l’amour de Dieu, soit que le nom de Dieu soit ou non présent à la pensée. C’est pourquoi les deux commandements n’en font qu’un. En droit, l’amour de Dieu est premier. Mais, en fait, comme chez l’homme toute pensée concrète a un objet réel ici-bas, ce renoncement s’opère nécessairement pendant que la pensée est appliquée soit aux choses, soit aux hommes. Dans le premier cas l’amour de Dieu apparaît d’abord comme adhésion à la beauté du monde, l’amor fati stoïcien, l’adhésion à cette distribution indiscriminée de la lumière et de la pluie qui exprime ici-bas la perfection de notre Père céleste. Dans le second cas, l’amour de Dieu apparaît d’abord comme amour du prochain, et avant tout du prochain faible et malheureux, celui que, selon les lois de la nature, nous n’apercevrions même pas en passant près de lui. Au reste, de même que la véritable compassion est surnaturelle, de même aussi la véritable gratitude.
Le renoncement au pouvoir de penser à la première personne, c’est l’abandon de tous les biens pour suivre le Christ. Tous les biens d’un homme, c’est l’univers tout entier vu de soi-même comme centre. Les hommes n’aiment la richesse, le pouvoir et la considération sociale que parce que cela renforce en eux la faculté de penser à la première personne. Accepter la pauvreté au sens littéral du mot, comme fit saint François, c’est accepter d’être