Page:Weil - Intuitions pré-chrétiennes, 1951.djvu/167

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gues ; seulement ces poussées se combinent avec la tension de la corde pour former un ensemble mécanique différent.

Ainsi, quoique le surnaturel ne descende pas dans le domaine de la nature, la nature est pourtant changée par la présence du surnaturel. La vertu, qui est commune à tous ceux qui aiment Dieu, et les miracles les plus surprenants de certains saints, s’expliquent pareillement par cette influence, qui est aussi mystérieuse que la beauté et de même espèce. L’une et l’autre sont un reflet du surnaturel dans la nature.

Quand on conçoit l’univers comme une immense masse d’obéissance aveugle parsemée de points de consentement, on conçoit aussi son propre être comme une petite masse d’obéissance aveugle avec au centre un point de consentement. Le consentement, c’est l’amour surnaturel, c’est l’Esprit de Dieu en nous. L’obéissance aveugle, c’est l’inertie de la matière, qui est parfaitement représentée pour notre imagination par l’élément à la fois résistant et fluide, c’est-à-dire par l’eau. Au moment où nous consentons à l’obéissance, nous sommes engendrés à partir de l’eau et de l’esprit. Nous sommes dès lors un être uniquement composé d’esprit et d’eau.

Le consentement à obéir est médiateur entre l’obéissance aveugle et Dieu. Le consentement parfait est celui du Christ. Le consentement en nous ne peut être qu’un reflet de celui du Christ. Le Christ est médiateur entre Dieu et nous d’une part, d’autre part entre Dieu et l’univers, et nous aussi, dans la mesure où il nous est accordé d’imiter le Christ, nous avons cet extraordinaire privilège d’être à quelque degré médiateurs entre Dieu et sa propre création.

Mais le Christ est la médiation même, l’harmonie