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dieux. Elle périt pour avoir été insensée par amour. Sa sœur lui dit au début :


v. 99

ἄνονς μὲν ἔρχει, τοῖς φίλοις δ’ὀρθῶς φίλη
(anous men erkhei tois philois d’orthôs philê).

Tu es insensée, mais pour tes amis une véritable amie.
(Cf. le Prométhée d’Eschyle.)


Dans plusieurs tragédies grecques on voit une malédiction issue du péché se transmettre de génération en génération jusqu’à ce qu’elle touche un être parfaitement pur, qui en subit toute l’amertume. Alors la malédiction est arrêtée. Ainsi une malédiction est née du péché de désobéissance à Dieu commis par Laïos. L’être pur qui l’arrête du fait qu’il la subit est Étéocle dans Eschyle, Antigone dans Sophocle. L’être pur qui arrête la malédiction des Pélopides est Oreste dans Eschyle. (L’Électre de Sophocle ne se place pas dans cette perspective.) On a très mal compris ce qu’on nomme la fatalité dans la tragédie grecque. Il n’y a pas de fatalité mais cette conception de la malédiction qui, une fois produite par un crime, est transmise par les hommes les uns aux autres, et ne peut être détruite que par la souffrance d’une victime pure, obéissante à Dieu.

L’OPÉRATION DE LA GRÂCE

Chœur de l’ « Agamemnon » d’Eschyle


v. 160

Zeus, qui qu’il puisse être, si c’est ainsi
qu’il aime être nommé,