Page:Weil - Intuitions pré-chrétiennes, 1951.djvu/38

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présent un être démoniaque, qui n’écoute pas la raison et veut tout maîtriser par violence. C’est ainsi qu’en parle Platon à la fin du Timée.

Autrement dit, au lieu de regarder l’amour de Dieu comme une forme sublimée du désir charnel, ainsi que font tant de gens dans notre misérable époque, Platon pensait que le désir charnel est une corruption, une dégradation de l’amour de Dieu. Et, quoiqu’il soit très difficile d’interpréter certaines de ses images, il est certain qu’il concevait ce rapport comme une vérité non seulement spirituelle mais aussi biologique. Il pensait évidemment que chez ceux qui aiment Dieu les glandes ne fonctionnent pas de la même manière que chez les autres ; l’amour de Dieu étant, bien entendu, la cause et non l’effet de cette différence.

Cette conception est inspirée par la religion des Mystères ; car le lien entre la chasteté et l’amour de Dieu est l’idée centrale de l’Hippolyte d’Euripide, tragédie d’inspiration éleusinienne et orphique. (Soit dit en passant, il n’y a pas, à ma connaissance, au cours des vingt derniers siècles, dans le théâtre des différents pays d’Europe, une autre tragédie qui ait cette idée pour thème central.)

Pour comprendre tout ce que Platon attache au symbole du mouvement circulaire, il faut remarquer que ce mouvement est l’union parfaite du nombre et du continu. Le mobile passe d’un point au point immédiatement voisin, sans aucune discontinuité, comme s’il allait le long d’une droite. En même temps, si on fixe l’attention sur un point du cercle, le mobile y passe nécessairement un nombre entier de fois. Ainsi le mouvement circulaire est l’image de cette union de la limite et de l’illimité dont Platon dit dans le Philèbe qu’elle est la clef de toute connaissance et le don de Prométhée aux