de la souffrance rédemptrice, les Grecs l’ont très bien senti. Il est manifeste dans l’histoire de Prométhée. Il l’est aussi dans le tableau des souffrances du Juste parfait, tel que le fait Platon dans la République.
N’ôtons rien ni à l’injuste de son injustice, ni au juste de sa justice, mais posons chacun parfait à sa manière… Le juste, dressons-le par nos paroles, homme simple et généreux, voulant, selon, le mot d’Eschyle, non pas l’apparence mais la réalité du bien. Il faut donc lui enlever l’apparence… Il faut qu’il soit rendu nu de toutes choses excepté la justice… que ne commettant rien d’injuste, il ait la plus grande réputation d’injustice, afin que ce soit une pierre de touche pour sa justice, si sa mauvaise réputation et ses conséquences ne la font pas fondre, si au contraire il reste inébranlable, paraissant injuste toute sa vie, mais réellement juste. De cette manière, quand ils seront allés l’un et l’autre (i.e. le juste et l’injuste) jusqu’au dernier point l’un de la justice, l’autre de l’injustice, on discernera lequel des deux est plus heureux. Étant dans cet état d’âme, le juste sera fouetté, on le mettra à la torture, on l’enchaînera, on lui brûlera les yeux, et, à la fin, après lui avoir infligé toutes les douleurs possibles, on le mettra au poteau, il saura alors qu’il ne faut pas vouloir la réalité mais l’apparence de la justice. Ne nous montre pas seulement par tes paroles que la justice vaut mieux que l’injustice. Montre en quoi consiste l’opération par laquelle chacune, en elle-même, par elle-même, rend celui qui la possède bon ou mauvais. Enlève les apparences… Car si tu n’enlèves pas à l’une et à l’autre l’apparence véritable en la remplaçant par l’apparence fausse, nous dirons que tu ne loues pas la justice mais la réputation de justice, que tu ne blâmes pas l’injustice mais la réputation d’injustice et que tu conseilles d’être réellement injuste mais sans le laisser voir… Donc ne nous montre pas seulement par tes paroles que la justice vaut