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par l’esprit. L’essence de la connaissance vraie qui la concerne a le même lieu. La pensée de Dieu se nourrissant d’esprit et de connaissance sans mélange, et celle de toute âme qui doit recevoir ce qui lui convient, à travers le temps, regardant l’être, elle aime et contemple et mange la vérité et se trouve bien, jusqu’à ce que le mouvement circulaire l’ait ramenée au même point. Au cours du mouvement, elle voit la justice elle-même, elle voit la pureté, elle voit la connaissance, non pas celle qui se produit, qui est autre en autre chose, celle que nous aujourd’hui nommons de ce nom, mais la science qui est réelle dans la réalité de son être, et de même toutes les réalités, elle les contemple réellement et les mange. Puis se glissant de nouveau à l’intérieur du ciel, elle rentre chez elle.


La vie de Dieu consiste en un acte de Dieu qui est à la fois contemplation et communion. Dieu se mange éternellement lui-même et se contemple lui-même. Ce sont deux relations en Dieu. C’est la Trinité.

Le grand malheur de l’homme, senti très vivement dans l’enfance, et qui explique beaucoup d’égarements humains, c’est que pour l’homme regarder et manger sont deux opérations différentes.



Phèdre, 249 e, 250 d


Toute âme d’homme, par essence, a contemplé la réalité… La réminiscence des choses de là-bas à partir de celles d’ici n’est pas facile pour tout homme. Il y en a un petit nombre à avoir une part suffisante de mémoire. Celles-là, quand elles voient une image des choses de là-bas, sont prises d’étourdissements, perdent la possession d’elles-mêmes, mais ignorent ce qui leur arrive faute d’un discernement suffisant. La justice, la pureté et toutes les vertus de l’âme sont sans aucune splendeur dans leurs reproductions d’ici-bas, mais un petit nombre avec peine par des instruments indistincts, allant à leurs images, contemplant l’es-