Page:Weil - La Condition ouvrière, 1951.djvu/215

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Tous ces dangers sont encore bien plus grands lorsqu’il s’agit de grèves sans objectif précis, comme c’était le cas à Lille, à Pompey et à Maubeuge, grèves qui donnent aux patrons et au public l’impression d’une agitation aveugle dont on peut tout craindre et qu’il faut briser à tout prix.

La loi sur l’arbitrage obligatoire est donc dans les conditions actuelles une ressource précieuse pour la classe ouvrière, et l’action syndicale doit en ce moment tendre essentiellement à l’utiliser.

2o Rétablir la subordination normale des délégués à l’égard du syndicat est presque devenu une question de vie ou de mort pour notre mouvement syndical. Divers moyens peuvent être préconisés à cet effet ; il semble nécessaire de les employer tous, y compris les plus énergiques.

Le plus efficace consisterait à instituer des sanctions syndicales. La C. G. T. pourrait décréter publiquement que lorsqu’un délégué demandera le renvoi d’un ouvrier, ou donnera des ordres concernant le travail, ou ordonnera un débrayage ou une grève perlée sans décision préalable et régulièrement prise du syndicat, elle réclamera automatiquement à ce délégué sa démission. On pourrait aussi obliger les délégués à faire un rapport mensuel au syndicat énumérant brièvement toutes leurs démarches auprès de la direction, et donner à tous les syndiqués la faculté de lire ce rapport. On pourrait d’une part diffuser très largement parmi les délégués et parmi tous les ouvriers des textes indiquant nettement et énergiquement les limites du rôle et du pouvoir des délégués ; d’autre part porter à la connaissance des patrons que les délégués sont subordonnés à la C. G. T. et qu’à ce titre l’organisation syndicale, à ses divers échelons, est l’arbitre naturel de tous les différends entre patrons et délégués ouvriers. Enfin la séparation morale qui tend à se créer entre délégués et ouvriers du rang semble indiquer la nécessité impérieuse de décider la non-rééligibilité des délégués au bout d’un an.

3o La C. G. T. ne peut pas ignorer le problème de la discipline du travail et du rendement. Nous n’avons pas lieu d’hésiter à reconnaître que le problème se pose ; ce n’est pas à nous qu’on peut reprocher le fait qu’il se pose. La classe ouvrière, au cours des années passées, n’a pas été formée par le mouvement syndical, dont on entravait l’influence par tous les moyens ; elle a reçu l’empreinte que lui a imprimé le patronat par le régime et les mœurs implantés dans les usines. S’il a plu aux patrons d’instituer