Page:Weil - La Condition ouvrière, 1951.djvu/221

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obsédante de gagner quelques sous de plus en gagnant quelques minutes sur les temps alloués. Il faut qu’ils puissent mettre en jeu les facultés qu’aucun être humain normal ne peut laisser étouffer en lui-même sans souffrir et sans se dégrader, l’initiative, la recherche, le choix des procédés les plus efficaces, la responsabilité, la compréhension de l’œuvre à accomplir et des méthodes à employer. Ce ne sera possible que si la première condition est réalisée. Le sentiment d’infériorité n’est pas favorable au développement des facultés humaines.

C’est à cette double préoccupation que répondent les indications suivantes :



Discipline du travail.


La discipline du travail ne doit plus être unilatérale, mais reposer sur la notion d’obligations réciproques. À cette condition seulement elle peut être acceptée, et non plus simplement subie. La direction d’une entreprise a la responsabilité du matériel et de la production : à ce titre son autorité doit jouer sans aucune entrave, dans certaines limites bien définies. Mais ce n’est pas à la direction que doit être confiée la responsabilité de la partie vivante d’une entreprise ; cette responsabilité doit revenir à la section syndicale, et celle-ci doit posséder un pouvoir, également dans des limites bien définies, pour la sauvegarde des êtres humains engagés dans la production. La discipline d’une entreprise doit reposer sur la coexistence de ces deux pouvoirs.

La section syndicale doit imposer le respect de la vie et de la santé des ouvriers. Tout ouvrier doit pouvoir en appeler à elle s’il reçoit un ordre qui mette en péril sa santé ou sa vie ; soit qu’on lui impose un travail malsain, ou trop dur pour ses forces physiques, ou une cadence impliquant des risques d’accident grave, ou une méthode de travail dangereuse ; elle doit pouvoir en pareil cas, dans les circonstances graves, couvrir de son autorité un refus d’obéissance sérieusement motivé ; elle doit enfin pouvoir faire appliquer les dispositifs de sécurité et les mesures d’hygiène qu’elle juge nécessaires et empêcher d’une manière générale la cadence du travail d’atteindre une vitesse dangereuse ou épuisante. Au cas où la direction contesterait la justesse de ses décisions, elle doit être dans