Page:Weil - La Condition ouvrière, 1951.djvu/280

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

les arbres, qui par nos bras soulève des fardeaux, qui meut nos moteurs. Elle procède d’une source inaccessible et dont nous ne pouvons pas nous rapprocher même d’un pas. Elle descend continuellement sur nous. Mais quoiqu’elle nous baigne perpétuellement nous ne pouvons pas la capter. Seul le principe végétal de la chlorophylle peut la capter pour nous et en faire notre nourriture. Il faut seulement que la terre soit convenablement aménagée par nos efforts ; alors, par la chlorophylle, l’énergie solaire devient chose solide et entre en nous comme pain, comme vin, comme huile, comme fruits. Tout le travail du paysan consiste à soigner et à servir cette vertu végétale qui est une parfaite image du Christ.

Les lois de la mécanique, qui dérivent de la géométrie et qui commandent à nos machines, contiennent des vérités surnaturelles. L’oscillation du mouvement alternatif est l’image de la condition terrestre. Tout ce qui appartient aux créatures est limité, excepté le désir en nous qui est la marque de notre origine ; et nos convoitises, qui nous font chercher l’illimité ici-bas, sont par là pour nous l’unique source d’erreur et de crime. Les biens que contiennent les choses sont finis, les maux aussi, et d’une manière générale une cause ne produit un effet déterminé que jusqu’à un certain point, au delà duquel, si elle continue à agir, l’effet se retourne. C’est Dieu qui impose à toute chose une limite et par qui la mer est enchaînée. En Dieu il n’y a qu’un acte éternel et sans changement qui se boucle sur soi et n’a d’autre objet que soi. Dans les créatures il n’y a que des mouvements dirigés vers le dehors, mais qui par la limite sont contraints d’osciller ; cette oscillation est un reflet dégradé de l’orientation vers soi-même qui est exclusivement divine. Cette liaison a pour image dans nos machines la liaison du mouvement circulaire et du mouvement alternatif. Le cercle est aussi le lieu des moyennes proportionnelles ; pour trouver d’une manière parfaitement rigoureuse la moyenne proportionnelle entre l’unité et un nombre qui n’est pas un carré, il n’y a pas d’autre méthode que de tracer un cercle. Les nombres pour lesquels il n’existe aucune médiation qui les relie naturellement à l’unité sont des images de notre misère ; et le cercle qui vient du dehors, d’une manière transcendante par rapport au domaine des nombres, apporter une médiation est l’image de l’unique remède à cette misère. Ces vérités et beaucoup d’autres sont écrites dans le