Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/141

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Ce ne sont pas la joie et la douleur qui s’opposent, mais les espèces de l’une et de l’autre. Il y a une joie et une douleur infernales, une joie et une douleur guérisseuses, une joie et une douleur célestes.

Par nature, nous fuyons la souffrance et cherchons le plaisir. C’est uniquement par là que la joie sert d’image au bien et la douleur d’image au mal. D’où l’imagerie du paradis et de l’enfer. Mais, en fait, plaisir et douleur sont des couples inséparables.

Souffrance, enseignement et transformation. Il faut, non pas que les initiés apprennent quelque chose, mais qu’il s’opère en eux une transformation qui les rende aptes à recevoir l’enseignement.

Pathos signifie à la fois souffrance (notamment souffrance jusqu’à la mort) et modification (notamment transformation en un être immortel).

La souffrance et la jouissance comme sources de savoir. Le serpent a offert la connaissance à Adam et à Ève. Les sirènes ont offert la connaissance à Ulysse. Ces histoires enseignent que l’âme se perd en cherchant la connaissance dans le plaisir. Pourquoi ? Le plaisir peut-être est innocent, à condition qu’on n’y cherche pas la connaissance. Il n’est permis de la chercher que dans la souffrance.