Page:Weil - Oppression et Liberté, 1955.djvu/273

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Ce que je leur demande. Énumérer dans le plus grand détail.
Quant à la forme… Contacts personnels… Rien de trop public. Une revue à tirage restreint ? En tout cas complétée par des renseignements d’ordre privé.


B. ÉBAUCHES


Pages 60-61. — On a l’habitude de considérer surtout l’oppression capitaliste sous la forme qu’en reflète la comptabilité, c’est-à-dire l’extorsion de la plus-value. C’est d’ailleurs là l’effet d’une déformation de pensée qui nous vient du régime actuel, où la comptabilité prime tout. Si l’on s’en tient à ce point de vue, il est facile d’expliquer aux masses que l’extorsion de la plus-value est liée à la concurrence, elle-même liée à la propriété privée, et que le jour où la propriété sera collective l’ensemble des travailleurs recevra l’équivalent de la valeur créée par le travail. Il est facile aussi de montrer que plus la propriété se concentre sous forme de monopoles, plus il est facile de la rendre collective ; et que plus le capitalisme se développe, plus il se heurte à des difficultés qui finissent par entraver le développement du régime. Cependant, si l’on y regarde de près, les choses ne sont pas si simples. Marx a très bien montré que l’exploitation des travailleurs a pour cause principale non pas un désir de luxe et de jouissance de la part des capitalistes, mais la nécessité pour chaque entreprise de dépasser ses concurrentes afin d’être plus forte qu’elles. Or ce n’est pas seulement une entreprise, mais n’importe quelle collectivité travailleuse qui a besoin de restreindre la consommation de ses membres pour consacrer le plus d’efforts possibles à se forger des armes contre les collectivités rivales. Du moins il en est ainsi dès qu’il y a rivalité. Aussi longtemps qu’il y aura sur terre une lutte pour la puissance, et que le facteur décisif de victoire sera la production industrielle, ceux qui mèneront cette lutte exploiteront le plus qu’ils pourront les travailleurs de l’industrie. Marx admettait, il est vrai, que toute espèce de rivalité et de lutte pour la puissance disparaîtrait le jour où le socialisme serait établi dans tous les pays industriels. Mais dès lors le socialisme ne se définit plus par l’opération relativement simple de supprimer la compétition entre entreprises capitalistes ; il s’agit de supprimer toute espèce de compétition entre collectivités quelles qu’elles soient, et c’est un tout autre problème. Le malheur, c’est que, comme Marx l’avait reconnu, la révolution ne peut pas éclater partout à la fois. Quand elle se fait dans un pays, elle ne supprime pas pour ce pays, mais au contraire accentue la nécessité d’opprimer et d’exploiter les masses travailleuses, pour ne pas être