Page:Weil et Chénin, Contes et récits du XIXe siècle - 1913.djvu/133

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bonds nocturnes, passaient silencieusement devant l'éléphant; le monstre, debout, immobile, les yeux ouverts dans les ténè- bres, avait l'air de rêver comme satisfait de sa bonne action, et abritait du ciel et des hommes les trois pauvres enfants endormis. Victor Hugo, Les Misérables. Cosette Cosette est une petite fille de huit ans. Laissée par sa nière aux mains des l'hénardier, méchants aubergistes, elle mène une existence misérable, fait toutes les corvées, et reçoit des coups. Un jmcr, un inconnu qui va être son protecteur, Jean Valjean, vient chercher Cosette. Il s'est fait passer pour un voyageur; il voit l'enfant, assise sous la table de la cacisine et regardant d'un oeil d'envie les de2cx filles de l'aubergiste qui jouent cc la poupée. TouT à coup Cosette S'INTERROMPIT. Elle venait de se retour- ner et d'apercevoir la poupée des petites Thénardier, qu'elles avaient quittée pour le chat et laissée à terre à quelques pas de la table de cuisine. Elle sortit de dessous la table en rampant sur les genoux et sur les mains, s'assura encore une fois qu'on ne la guettait pas, puis se glissa vivement jusqu'à la poupée et la saisit. Un ins- tant après, elle était à sa place, assise, immobile, tournée seule- ment de manière à faire de l'ombre sur la poupée qu'elle tenait dans ses bras. Ce bonheur de jouer avec une poupée était telle- ment rare pour elle qu'il avait toute la violence d'une volupté. Personne ne l'avait vue, excepté le voyageur qui mangeait lentement son maigre souper. Cette joie dura près d'un quart d'heure. Mais quelque précaution que prît Cosette, elle ne s'aperce- vait pas qu'un des pieds de la poupée passait et que le feu de la cheminée l'éclairait très vivement. Ce pied rose et lumi- neux qui sortait de l'ombre frappa subitement le regard d'Azelma, qui dit à Eponine «  Tiens, ma soeur 1» Les deux petites filles' s'arrêtèrent stupéfaites. Cosette avait osé prendre la poupée Eponine se leva ef, sans lâcher le chat, alla vers sa mère et se mit à la tirer par sa jupe. « Mais laisse-moi donc dit la mère. Qu'est-ce que tu me veux Mère, dit l'enfant, regarde donc? »» Et elle désignait du doigt Cosette. Cosette, elle, tout entière aux extases de la possession, ne voyait et n'entendait plus rien.