Page:Weil et Chénin, Contes et récits du XIXe siècle - 1913.djvu/155

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2. LES OISEAUX 0 MEKY LES AFFAMÉS Les deux Fauvettes J'élevais DEUX fauvettes de différents nids et de différentes variétés l'une à poitrine jaune, l'autre à corsage gris. La poi- trine jaune, qui s'appelaitJonquille, était de quinze jours plus âgée que la poitrine grise, qui s'appelait Agathe. Quinze jours pour une fauvette (la fauvette est le plus intelligent et le plus précoce de nos petits oiseaux), cela équivaut à dix ans pour une jeune personne. Jonquille était donc une fillette fort gentille, encore maigr ette et mal emplumée, ne sachant voler que d'une branche à l'autre, et même ne mangeant point seule car les oi- seaux que l'hommeélève se développentbeaucoupplus lentement que ceux qui s'élèvent à l'état sauvage. Les mères fauvettes sont beaucoup plus sévères que nous, et Jonquille aurait mangé seule quinze. jours plus tôt, si j'avais eu la sagesse de l'y forcer en l'abandonnantà elle-même et en ne cédant pas à ses importunités. Agathe était un petit enfant insupportable. Elle ne faisait que remuer, crier, secouer ses plumes naissantes et tourmenter Jonquille, qui commençait à réfléchir et à se poser des pro- blèmes, une patte rentrée sous le duvet de sa robe, la tête enfouie dans les épaules, les yeux à demi fermés. Pourtant elle était encore très petite fille, très gourmande,