Page:Weil et Chénin, Contes et récits du XIXe siècle - 1913.djvu/163

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Le Nid de chardonnerets IL Y avait, SUR UNE BRANCHE fourchue de notre cerisier, un nid de chardonneretsjoli à voir, rond, parfait, tout crins au dehors, tout duvet au dedans, et quatre petits venaient d'y éclore. Je dis à mon père «  J'ai presque envie de les prendre pour les élever. » Mon père m'avait expliqué souvent que c'est un crime de mettre des oiseaux en cage. Mais, cette fois, las sans doute de répéter la même chose, il ne trouva rien à me répondre. Quelques jours après, je lui dis «  Si je veux, ce sera facile. Je placerai d'abord le nid dans une cage, j'attacherai la cage au cerisier, et la mère nourrira les petits par les barreaux, jusqu'à ce qu'ils n'aient plus besoin d'elle. » Mon père ne me dit pas ce qu'il pensait de ce moyen. C'est pourquoi j'installai le nid dans une cage, la cage sur le cerisier, et ce que j'avais prévu arriva les vieux chardonnerets, sans hésiter, apportèrent aux petits des pleins becs de chenilles. Et mon père observait de loin, amusé comme moi, leur va-et- vient fleuri, leur vol teint de rouge sang et de jaune soufre. Je dis un soir «  Les petits sont assez drus. S'ils étaient libres, ils s'envole- raient. Qu'ils passent une dernière nuit en famille, et demain je les porterai à la maison; je les pendrai à ma fenêtre, et je te prie de croire qu'il n'y aura pas beaucoup de chardonnerets au monde mieux soignés. Mon père ne me dit pas le contraire. Leslendemain, je trouvai la cage vide. Jules Renard, Histoires naturelles (E. Flammarion, édit.) . Les Canards sauvages PAR UN TEMPS GRISÂTItE d'automne, lorsque la bise souffle sur les champs, que les bois perdent leurs dernières feuilles, une troupe de canards sauvages, tous rangés à la file, traversent en silence un ciel mélancolique. S'ils aperçoivent du haut des airs quelque manoir gothique environné d'étangs et de forêts, c'est là qu'ils se préparent à descendre ils attendent la nuit, et font des évolutions au-dessus des bois. Aussitôt que la vapeur du bois enveloppe la vallée, le cou tendu et l'aile sifflante, ils s'abattent tout à coup sur les eaux, qui retentissent. Un cri