Page:Weiss - À propos de théâtre, 1893.djvu/238

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concluante que le Saint-Paulin. Perrault ne s’en aperçut jamais.

C’est la suite de la religion chrétienne, c’est l’histoire, si cette expression est permise, c’est l’histoire tout entière du vrai Dieu que Racine a réussi à renfermer dans Esther et dans Athalie, depuis les patriarches et les prophètes jusqu’à l’incarnation, et il a exécuté ce dessein difficile avec une habileté si consommée de dramaturge, soutenue d’une foi si tendre et si délicate, que, d’une part, aucun appareil dogmatique et théologique ne vient ralentir la marche de ce drame de Dieu, et que, d’autre part, aucun vers n’y saurait choquer l’âme pieuse la plus prompte à s’alarmer ; tous, au contraire, l’emportent dans un élan continu d’adoration. Combien la religion est ici plus pure, combien ses mystères restent plus au-dessus des atteintes de l’artifice profanateur des poètes que dans le Paradis perdu et même la Messiade ! Et combien pourtant les deux pièces d’Esther et d’Athalie sont plus selon les conditions ordinaires de l’art profane et de la nature humaine !

L’objurgation de Mardochée, la prière d’Esther, l’exposition de la vraie doctrine aux Gentils dans le discours d’Esther à Assuérus, la sublime vision de Joad, l’effusion des chœurs, la morale divine imposée aux rois, la glorification des humbles sont dans