Page:Weiss - À propos de théâtre, 1893.djvu/288

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logue où Plaute expose sa fable fondamentale, très sommairement et en la restreignant à sa plus simple expression. Ce fragment eut suffi à Shakspeare et à Regnard ; nous aurions leurs Ménechmes à peu près comme nous les avons.

Je nie que Plaute empêche Shakspeare et Regnard d’être des inventeurs et des originaux ; je ne nie pas Plaute. Je me refuse à traîner Regnard et Shakspeare captifs derrière le char de Plaute ; je n’ai nulle envie d’immoler Plaute à Regnard, comme le fait La Harpe. Il y a dans Plaute un cynisme des mœurs et des mots dont La Harpe était particulièrement choqué. Quelle singulière idée de penser à la morale et aux mœurs délicates, quand il s’agit d’établir la supériorité de Regnard sur Plaute ! Les mœurs que Regnard nous peint d’un pinceau exact ne sont pas d’une délicatesse qui les élève fort au-dessus de celles que Plaute nous met sous les yeux. Il faudrait se prendre à la musique et aux blandices de Regnard plus que de raison pour se figurer que chez lui les mœurs soient aussi enchanteresses et aussi mélodieuses que le style. Dans la pièce du vie siècle de Rome fondée, nous avons un honnête bourgeois de Dyrrachium, qui laisse sa femme se morfondre au logis et organise des parties fines chez la courtisane d’en face avec la plus parfaite sécurité de conscience, et, parallèlement à lui, un bon com-