Page:Whitman - Feuilles d’herbe, trad. Bazalgette.djvu/104

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Ils ont déblayé les poutres, ils me soulèvent tendrement.

Je suis étendu en ma chemise rouge dans l’air du soir, c'est pour moi que tout le monde fait silence,
Je ne souffre pas après tout, je suis à bout, mais pas telle­ment malheureux,
Blanches et belles sont les figures qui m’entourent, les têtes sont débarrassées du casque,
Le groupe à genoux s’évanouit avec la lumière des torches.

Les morts reculés ressuscitent,
Ils apparaissent comme le cadran ou se meuvent comme mes aiguilles, et c’est moi l’horloge.

Je suis un vieil artilleur, je raconte le bombardement de mon fort,
De nouveau j’y suis.

De nouveau le long roulement des tambours,
De nouveau, canons, mortiers attaquent,
De nouveau, j’entends, l’oreille tendue, le canon qui répond.

Je prends part à l’action, je vois et entends tout ce qui se passe,
Les cris, jurons, tonnerre, les vivats pour les coups qui por­tent,
Le convoi d’ambulance qui passe lentement en laissant une traînée rouge,
Les ouvriers qui examinent les dégâts et font les répara­tions urgentes,
Les grenades qui tombent à travers le toit déchiré, l’explo­sion en éventail,