Page:Whitman - Feuilles d’herbe, trad. Bazalgette.djvu/105

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Le sifflement des membres, têtes, pierres, bois, fers, projetés en l’air.

De nouveau murmure la bouche de mon général mourant, il agite la main avec fureur,
Il prononce avec peine à travers le sang caillé, Ne vous oc­cupez pas de moi — occupez-vous — des retranchements.

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Je raconte maintenant ce que j’ai connu au Texas dans ma prime jeunesse,
(Je ne raconte pas la chute d’Alamo,
Car nul n’échappa pour raconter la chute d’Alamo,
Les cent cinquante sont toujours muets à Alamo),
C’est le dit de quatre cent douze jeunes hommes assassinés de sang-froid.

Battant en retraite, ils s’étaient formés en carré avec leurs bagages comme parapet,
Neuf cents vies abattues à l’ennemi qui les entourait, neuf fois supérieur en nombre, furent le prix qu’ils lui firent payer d’avance,
Leur colonel était blessé et leurs munitions à bout,
Ils négocièrent une capitulation honorable, reçurent un écrit scellé, livrèrent leurs armes, et se remirent en marche comme prisonniers de guerre.

Ils étaient la gloire de la race des francs chasseurs,
Incomparables pour monter à cheval, tirer, chanter, fes­toyer, courtiser les filles,
Larges, turbulents, généreux, beaux, fiers et aimants,
Barbus, hâlés, vêtus du libre costume des chasseurs,