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132 FEUILLES D HERBE Et si ceux qui souillent les corps vivants sont aussi coupa­ bles que ceux qui souillent les morts ? Et si le corps ne fait pas l’affaire grandement autant que l’âme ? Et que le corps ne soit pas l’âme, qu’est-ce que l’âme ?


2 L’amour du corps de l’homme ou la femme déjoue la des­cription, le corps lui-même déjoue la description, Celui du mâle est parfait, et celui de la femme est parfait. L’expression du visage déjoue la description, Mais l’expression d ’un homme bien fait n’apparaît pas seu­lement dans son visage, Elle est également dans ses membres et ses attaches, elle est curieusement dans les attaches de ses hanches et poignets, Elle est dans sa marche, le port de sa tête, la flexion de sa taille et ses genoux, les habits ne le cachent pas, La qualité suave et forte qu’il a traverse le coton et le drap, Le voir passer communique autant que le plus grand poème, peut-être davantage, Vous vous attardez à regarder son dos,’et sa nuque et la tombée de ses épaules. Les poupons étalés et dodus, le sein et la tête des femmes, les plis de leur robe, leur façon lorsque nous passons dans la rue, le contour de leur silhouette du haut en bas, Le nageur que l’on voit nu au bassin de natation, fendant à la nage le vert brillant transparent, ou étendu le visage en l’air, et roulé en silence au gré de l’eau qui se soulève.