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CHANT DE LA BELLE ROUTE


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Toi, route où je m’engage en promenant mon regard, je crois
que tu n’es pas tout ce que voici,
Je crois que mainte chose invisible est également ici.
Ici la leçon profonde de l’acceptation, sans préférence ni re­fus,
Les noirs à tê te crépue», les criminels, les malades, les in­cultes ne sont rejetés ;
L ’accouchement, la recherche en hâte du médecin, le men­diant qui chemine, l ’ivrogne qui titube, la bande d’ou­vriers avec leurs rires,
L ’adolescent évadé, la voiture du richard, le gandin, le cou­ple en fuite,
L’homme du marché matineux, le corbillard, l’emménage­
ment en ville, le déménagement de la ville,
Cela passe, moi aussi je passe, tout passe indistinctement,
rien qui puisse être interdit,
Rien qui ne soit accepté, rien qui ne doive m’être cher.



 

3



Toi, air qui me fournis le souffle pour parler !
Vous, objets qui tirez de l’état diffus ce que je veux dire et
lui donnez forme !
Toi, lumière qui m ’enveloppes, et toute chose, de tes déli­cates ondes, égales pour chacun !
Vous, sentiers tracés par les pas dans les creux irréguliers
au bord des routes !
Je crois que vous gardez le secret d’existences invisibles,
vous m’êtes si chers.