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Page:Whitman - Feuilles d’herbe, trad. Bazalgette.djvu/272

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264 FEUILLES D'HERBE

N’aie crainte, ô Muse ! Des façons, une époque vraiment neuves t’accueillent, t’environnent,

J’ avoue sincèrement que singulière, bien singulière est cette race, de coupe nouvelle,

Et cependant la même vieille race humaine, la même au dedans comme au dehors, Visages et cœurs les mêmes, sentiments les mêmes, aspira­tions les mêmes,

Le même vieil amour, la même beauté et pratique.

5

Nous ne te blâmons pas, aîné Monde, et au fond ne nous séparons pas de toi,

(Le fils voudrait-il se séparer du père ?)

C’est en reportant nos regards vers toi,en te voyant à tes tra­vaux, tes grandeurs, courbé, bâtir d’un bout à l’autre des âges,

Que nous bâtissons aujourd’hui les nôtres.

Plus puissante que les tombeaux d’Egypte,

Plus rayonnante que les temples de la Grèce et Rome,

Plus fière que la cathédrale de Milan avec ses statues et ses flèches,

Plus pittoresque que les donjons du Rhin,

Nous méditons en ce jour même d’élever, les surpassant tous,

Ta grande cathédrale, industrie sacrée, pas un tombeau,

Mais un donjon pour la vie, pour l’invention pratique.

Comme en une vision éveillée,

Pendant même que je chante je la vois s’élever, je détaille et annonce, extérieur et intérieur,