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Demeures et pièces sont pleines de parfums, les étagères débordent de parfums,
J’aspire la bonne odeur moi-même et la connais et l’aime,
Les essences me griseraient moi aussi, mais je ne le permet­trai pas.

L’atmosphère n’est pas un parfum, elle ne sent pas les es­sences, elle est inodore,
Elle est à jamais pour ma bouche, j’en suis énamouré,
J’irai sur le talus près du bois quitter mon déguisement et me mettre nu,
Car j’aime à la folie éprouver son contact.

La buée de mon propre souffle,
Échos, ondulations, fredon de murmures, amoureuse racine, filaments soyeux, fourche et grimpante vigne,
Ma respiration et mon inspiration, mon cœur qui bat, le sang et l’air qui passent à travers mes poumons,
Les bouffées qui vous viennent des feuilles vertes et feuilles sèches, du rivage et des rochers noirâtres au bord de la mer, et du foin dans la grange,
Le son des mots gueulés que ma voix jette aux remous du vent,
Quelques baisers qui vous effleurent, quelques étreintes, un enlacement de bras,
Le jeu du soleil et de l’ombre sur les arbres lorsque les sou­ples branches se balancent,
La joie d’être seul ou dans la presse des rues, ou par les champs et les coteaux,
La sensation de la santé, l’hymne du plein midi, ma chan­-