Page:Whitman - Feuilles d’herbe, trad. Bazalgette.djvu/60

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Je suis le camarade et compagnon des gens, tous aussi immortels et insondables que moi-même,
(Ils ne savent à quel point immortels, mais je le sais.)

Chaque espèce pour soi et le sien, pour moi le mien c’est l’homme et la femme,
Pour moi ceux qui furent des garçons et qui aiment les femmes,
Pour moi l’homme qui est fier et sent comme blesse le dédain,
Pour moi la bonne amie et la vieille fille, pour moi les mères et les mères des mères,
Pour moi les lèvres qui ont souri, les yeux qui ont versé des pleurs,
Pour moi les enfants et les procréateurs d’enfants.

Dévêts-toi ! Tu n’es pas coupable à mes yeux, ni flétri ni au rebut,
Je vois à travers le drap fin et le guingamp si oui ou non,
Et je tourne autour, tenace, cherchant à acquérir, infatigable, sans qu’on puisse se défaire de moi.


8


Le petiot dort dans son berceau,
Je soulève la mousseline et regarde un long moment, et sans rien dire chasse les mouches avec la main.

Le jeune gars et la jouvencelle aux joues empourprées gagnent le couvert épais du coteau,
D’en haut mon regard curieux les observe.

Le suicidé est étendu de tout son long sur le plancher ensanglanté de la chambre,