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220 FEUILLES D'HERBE

Je croyais le jour le plus splendide jusqu’au moment où j’ai vu ce que le non-jour montrait, Je croyais ce globe suffisant jusqu’au moment où, en un tel silence, jaillirent autour de moi des myriades d’autres globes.

A présent que les grandes pensées de l’espace et l’éternité m’emplissent, je veux me mesurer d’après elles, Et à présent en contact avec les vies des autres globes, arri­vées au même point que celles de la terre, Ou attendant d’y arriver, ou ayant dépassé celles de la terre, Je ne les ignorerai pas plus désormais que je n’ignore ma propre vie, Ou les vies de la terre arrivées aussi loin que la mienne ou attendant d’y arriver.

Oh ! je vois à présent que la vie ne peut tout m’exposer, pas plus que le jour, Je vois que je dois attendre ce qu’exposera la mort.

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PENSÉE

A un grand festin où je suis assis avec d’autres, soudain pendant que la musique joue, A l’esprit (d’où me vient-elle, je ne sais), fantômale, dans le brouillard, d’un naufrage en mer, De certains navires, comme ils sortent du port, banderoles au vent et baisers dans l’air, et on ne les revoit plus, De l’auguste et noir mystère entourant le sort du Président, De la fleur du savoir maritime de cinquante générations