Aller au contenu

Page:Whitman - Feuilles d’herbe, trad. Bazalgette.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et ne traite pas la tortue d’être vil parce qu’elle n’est pas autre chose,
Et le geai dans les bois n’a jamais étudié la gamme, pour­tant son ramage me semble assez bien,
Et la vue de la jument baie me fait rougir de ma sottise et m’en guérit.

14


Dans la nuit fraîche, le jars sauvage conduit son troupeau,
Ya-honk, fait-il, et ce cri m’arrive comme une invite,
Les malins peuvent n’y trouver aucun sens, mais en l’écoutant l’oreille tendue,
Je découvre son but et le situe là-haut vers le ciel d’hiver.

L’élan du nord au sabot aigu, le chat sur le pas de la porte, la mésange à tête noire, le chien de prairie,
Les petits de la truie qui grogne lorsqu’ils tirent après ses tétines,
La dinde et sa couvée, la mère avec ses ailes mi-étendues,
Je reconnais en eux et en moi-même l’identique vieille loi.

La pression de mon pied fait jaillir de terre les affections par centaines,
Elles se moquent de tous mes efforts pour les décrire.

Je suis amoureux de ce qui pousse en plein air,
Des hommes qui vivent parmi les bestiaux ou sentent l’océan ou les bois,
De ceux qui construisent et ceux qui gouvernent les navires et ceux qui manient hache et mailloche, et ceux qui conduisent les chevaux,
Je puis manger et coucher avec eux des semaines et des se­maines.