Page:Whitman - Feuilles d’herbe, trad. Bazalgette.djvu/86

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Des mers éclatantes de suc inondent le ciel.

La terre possédée par le ciel, le terme quotidien de leur union,
Le défi qui s’élève de l’orient à ce moment au-dessus de ma tête,
L’insulte moqueuse, Vois donc si tu seras le plus fort !

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Éblouissant et formidable le soleil levant me tuerait com­bien vite,
Si je ne pouvais à cet instant et toujours projeter hors de moi un soleil levant.

Nous aussi nous montons éblouissants et formidables comme le soleil,
Nous avons trouvé ce qu’il nous fallait, ô mon âme, dans le calme et la fraîcheur de l’aube.

Ma voix poursuit ce que ma vue ne peut atteindre,
De l’enroulement de ma langue j’entoure des mondes et volumes de mondes.

La parole est la sœur jumelle de ma vision, elle est incapa­ble de se mesurer elle-même,
Elle me provoque sans cesse, elle dit d’un ton sarcastique,
Walt, tu contiens assez, pourquoi donc ne pas te laisser aller ?

Tiens, je ne veux plus me tourmenter, tu as une trop haute idée de l’expression,
Ne sais-tu pas, ô parole, comme les bourgeons au-dessous de toi sont fermés ?