Page:Whitman - Feuilles d’herbe, trad. Bazalgette.djvu/94

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Je crois que je pourrais aller vivre avec les animaux, ils sont tellement placides et contenus,
Je reste des heures et des heures à les regarder.

Ils ne s’échinent pas, ne geignent sur leur sort,
Ils ne restent pas éveillés dans les ténèbres à pleurer sur leurs péchés,
Ils ne m’écœurent pas à discuter leurs devoirs envers Dieu,
Pas un seul n’est malcontent, pas un seul n’est rendu fou par la manie de posséder,
Pas un seul ne s’agenouille devant un autre, ni devant un de ses pareils qui vivait il y a des milliers d’années,
Pas un seul n’est honorable ni infortuné sur toute la face de la terre.

Ils prouvent ainsi leur parenté avec moi et je l’accepte,
Ils m’apportent des témoignages de moi-même, ils démon­trent clairement qu’ils les ont en leur possession.

Je me demande où ils ont pris ces témoignages,
Ai-je passé par là il y a un temps énorme et les ai-je négli­gemment laissé tomber ?
M’avançant toujours, alors, maintenant et à jamais, Ramassant et exhibant toujours davantage en ma course rapide,
Infini et de toutes les espèces, et parmi elles comme leur pareil,
Sans dédain envers ceux qui m’offrent des souvenirs de moi-même,
J’en choisis ici un que j’aime, et m’en vais avec lui comme un frère