Page:Whitman - Feuilles d’herbe, trad. Bazalgette.djvu/95

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De colossale beauté un étalon fougueux et qui répond à mes caresses,
Tête haute en front, large entre les oreilles,
Membres lustrés et souples, queue qui balaie le sol,
Yeux étincelants de malice, oreilles finement découpées qui se meuvent flexiblement.

Ses naseaux se dilatent lorsque mes talons l’embrassent,
Ses membres bien bâtis tremblent de plaisir pendant que nous faisons un temps de galop et revenons.

Je ne me sers de toi qu’une minute, étalon, puis je te laisse,
Qu’ai-je besoin de tes foulées quand mon propre galop les dépasse ?
Même debout ou assis, je franchis l’espace plus vite que toi.

                             
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Espace et Temps ! Je vois maintenant la vérité de ce que je soupçonnais,
Ce que je soupçonnais lorsque je paressais sur l’herbe,
Ce que je soupçonnais quand j’étais au lit seul,
Et à nouveau quand je suivais à pied la plage sous les étoiles pâlissantes du matin.

Mes attaches et mon lest m’abandonnent, mes coudes s’appuient dans les brèches océanes,
Je borde des sierras, mes paumes couvrent des continents,
Je chemine avec ma vision.

Près des maisons rectangulaires de la grand’ville — dans les cabanes en bois, campant avec les bûcherons,