Page:Whitman - Feuilles d’herbe, trad. Bazalgette.djvu/97

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Où le ruisseau sort d’entre les racines d’un vieil arbre et coule vers le pré,
Où les bestiaux se tiennent et chassent les mouches d’un frisson qui fronce leur peau,
Où le linge à fromage est accroché dans la cuisine, où les landiers écarquillent leurs jambes sur les dalles de l’âtre, où les toiles d’araignée tombent en festons des chevrons ;
Là où tonnent les marteaux à bascule, où la presse fait tournoyer ses cylindres,
Où le cœur humain sous les côtes bat en de terribles agonies,
Où le ballon en forme de poire flotte dans l’air (je flotte avec lui moi-même et regarde tranquillement la terre au-dessous),
Où l’on amène sur un nœud coulant la nacelle de sauvetage, où la chaleur fait éclore les œufs vert pâle sur le sable bossué,
Où la femelle de la baleine nage avec son baleineau, sans l’abandonner jamais,
Où le bateau à vapeur laisse flotter derrière lui sa longue banderole de fumée,
Où la nageoire du requin coupe sur la mer comme un copeau noir,
Où le brick à mi-incendié flotte sur des courants inconnus,
Où des coquillages s’attachent à son pont visqueux ; au des­sous duquel pourrissent les morts,
Où l’étendard semé d’étoiles est porté en tête des régiments,
Approchant de Manhattan par la longue île,
Sous le Niagara, où la cataracte tombe comme un voile de­vant ma figure,
Sur le pas d’une porte, sur le montoir en bois dur placé auprès,
Aux courses, ou bien m’amusant à un pique-nique, à une gigue ou une bonne partie de base-ball,