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ESCALADES DANS LES ALPES.

falaise crayeuse : non le sommet lui-même, où les oiseaux de mer volent en cercle, où les cailloux sont rangés en couches parallèles avec un ordre si parfait, mais un point situé plus à l’est, et d’où s’était éboulé le faîte nommé la Cheminée du Diable. Depuis lors nous avons affronté bien des dangers différents, mais jamais nous n’avons plus risqué de nous rompre le cou que dans cette folle expédition.

À Paris, je fis deux ascensions. La première au septième étage d’une maison du quartier latin, chez un artiste de mes amis que je trouvai, au moment où j’entrai, engagé avec un petit juif dans un débat des plus animés au sujet de je ne sais quel marché ; il me recommanda de monter au haut des tours de Notre-Dame. Une demi-heure après, j’étais appuyé contre le parapet de la façade occidentale, à côté du Démon qui depuis des siècles abaisse un regard fixe et louche sur la grande cité. Ce regard, passant pardessus l’Hôtel-Dieu, s’arrêtait sur un petit bâtiment d’aspect vulgaire, sans cesse entouré d’une foule agitée. Je descendis près de ce bâtiment. Il était rempli de femmes et d’enfants qui se bousculaient en bavardant pour examiner plus à leur aise trois cadavres exposés aux regards des curieux… C’était la Morgue… Je m’en éloignai avec dégoût.

Je gagnai la Suisse ; je vis la lumière du soleil décroître lentement sur les géants de l’Oberland ; j’entendis, dans la vallée de Lauterbrunnen, les échos répéter les belles notes des cors des Alpes et les avalanches tomber avec fracas de la Jungfrau ; puis je passai par la Gemmi dans le Valais après m’être reposé au bord du beau lac d’Œschinen. Pendant mon court séjour à Kandersteg, j’avais recueilli dans la vallée voisine – le Gasterenthal – un témoignage concluant sur le mouvement des glaciers. L’extrémité supérieure de cette vallée est couronnée par le glacier de Tschingel, qui, en descendant, rencontre un