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CHAPITRE VI.

Du sentier, on aperçoit en plusieurs endroits, sur la rive droite de la vallée, des arches qui ont été construites à une grande hauteur le long des rochers. Les Guides répètent — d’après je ne sais quelle autorité — que ce sont les restes d’un aqueduc romain. Elles ont bien en effet la hardiesse d’une construction romaine, mais elles n’en ont pas la solidité ordinaire. Ces arches m’ont toujours paru être les débris d’un travail qui n’a pas été achevé, et, si j’en dois croire Jean-Antoine Carrel, il existe encore beaucoup d’autres arches qui offrent toutes le même aspect et qu’on n’aperçoit pas du sentier. On peut se demander si celles que l’on voit près du village d’Antey sont romaines ; plusieurs sont en plein cintre, tandis que d’autres ont un cintre brisé, presque ogival. Le dessin ci-joint représente une de ces dernières qui peut appartenir au quatorzième siècle, et même à une époque postérieure ; c’est une arche en maçonnerie grossière dont le cintre est brisé et dont les voussoirs sont fort communs. Ces arches méritent l’attention des archéologues, mais il est assez difficile de s’en approcher.

Nous remontâmes la vallée en flânant, et tous les habitants du Breuil étaient endormis quand nous y arrivâmes. Le halo qui entourait la lune nous annonçait un temps pluvieux, aussi ne fûmes-nous pas désappointés en nous réveillant le lendemain (1er août), car la pluie tombait à torrents. Quand les nuages s’éclaircirent un moment, nous vîmes qu’une neige fraîche et très-épaisse couvrait toutes les montagnes au-dessus de 2750 mètres. J. A. Carrel était tout prêt à partir avec moi (je m’étais décidé à offrir une nouvelle chance à ce hardi montagnard), et il n’eut pas besoin de me dire que le Cervin allait être inabordable pendant plusieurs jours après cet ouragan de neige, même si le temps se levait. Notre première journée de courses

    du chanoine Carrel, la vallée du Valtornenche, en 1867, et dans les Italian Valleys of the Alps, de King, pages 220, 221.