Page:Whymper - Escalades dans les Alpes.djvu/347

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
339
CHAPITRE XVI.

Quoi qu’il en soit, tant que les causes primitives de la maladie resteront inconnues et par conséquent ne pourront pas être supprimées, il sera inutile de fonder des hôpitaux, d’assainir les habitations, d’élargir les rues, ou de prendre toute autre mesure de ce genre, qui, bien que très-bonne en elle-même, est complétement inefficace pour détruire le mal dans sa racine. Jusqu’à ce jour tous les savants qui ont écrit sur le crétinisme se sont bornés presque exclusivement à en rechercher l’origine, mais ils n’ont émis que des conjectures, et les données certaines, qui permettraient de tirer des déductions satisfaisantes, manquent encore complétement[1].

Le 23 juin 1865, je me reposais avec mes guides au sommet du Mont-Saxe, d’où nous examinions les Grandes Jorasses dont nous nous proposions de faire l’ascension. 1500 mètres de glaciers escarpés se dressaient en face de nous, et nous y traçâmes du regard un chemin qui nous semblait parfaitement

  1. Note du traducteur. Je me permets de supprimer ici une assez longue digression de M. Whymper relative aux glaciers en général et à celui de la vallée d’Aoste en particulier. Cette digression me semble en effet un peu trop spéciale pour pouvoir intéresser la majorité des lecteurs de ce volume ; en outre, elle a simplement pour but de combattre deux théories assez étranges de deux savants anglais, MM. Ramsay et Tyndall. Je me borne donc à la signaler dans une simple note, au lieu de la résumer dans le texte.

    M. Ramsay avait soutenu, en 1862, que les bassins des lacs alpestres avaient été creusés par les grands glaciers de la période glaciaire. M. Tyndall, de son côté, se déclarait convaincu que les glaciers avaient creusé les vallées. Du reste, les deux savants géologues, tout en accordant aux glaciers une aussi énorme puissance d’excavation, différaient complétement sur le modus operandi à l’aide duquel de pareils effets eussent été produits. Leurs conclusions générales étaient même tout à fait opposées. Dans l’opinion de l’un, les plus grands effets s’étaient produits sur les plaines ; à en croire son adversaire, l’action des glaciers s’était fait sentir dans les montagnes ; en outre, les plus grands effets auraient été dus, selon M. Ramsay, au poids des glaciers ; selon M. Tyndall, à leur mouvement. M. Whymper a combattu victorieusement l’une après l’autre ces deux théories à la fois semblables et contradictoires. Ses raisons tirées surtout de l’étude particulière qu’il a faite du grand glacier de la vallée d’Aoste et des prémisses qu’il avait posées dans le chapitre VI, m’ont paru concluantes ; mais, comme cette discussion a en somme un résultat tout à fait négatif, je crois devoir me borner à la signaler au petit nombre des lecteurs de ce volume qu’elle pourrait intéresser.