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CHAPITRE XXI.

parurent derrière un angle de rochers, mais nous les vîmes bientôt reparaître à une grande hauteur sur la montagne, grimpant avec rapidité. Quant à nous, nous nous mîmes à établir une plate-forme solide dans un endroit bien abrité, pour y dresser la tente ; puis nous attendîmes impatiemment le retour des deux guides. Les pierres qu’ils faisaient tomber signalaient leur présence à une altitude déjà fort élevée ; nous pouvions donc espérer que l’ascension serait facile. Enfin, vers trois heures, nous les vîmes revenir, en apparence très-animés :

« Eh bien, Pierre, qu’en disent-ils ?

— Rien de bien bon, messieurs. »

Mais les deux guides nous tinrent un tout autre langage : « Tout était pour le mieux, il n’y avait pas le moindre obstacle, pas la plus petite difficulté ! Nous aurions pu atteindre le sommet et revenir le même jour ! »

Le reste de la soirée se passa fort paisiblement ; les uns se chauffèrent au soleil, les autres se mirent à prendre des croquis ou à recueillir divers échantillons. Quand le soleil disparut, son coucher splendide nous promit une magnifique journée pour le lendemain, et nous rentrâmes dans la tente, où nous nous préparâmes à passer la nuit. Hudson fit du thé, moi je fis du café ; puis chacun de nous s’enveloppa dans sa couverture-sac. Lord Francis Douglas et moi nous occupions la tente avec les Taugwalder ; nos compagnons avaient préféré coucher en plein air. Les échos de la montagne retentirent longtemps, après le crépuscule, de nos rires et des chansons des guides. Aucun danger n’étant à craindre, nous nous sentions tous pleins de gaieté et de sécurité.

Le 14, nous étions sur pied avant l’aube et nous partîmes dès qu’il fit assez clair pour pouvoir se diriger. Le jeune Pierre nous accompagna en qualité de guide et son frère retourna à Zermatt[1]. Suivant la direction que les guides avaient prise la veille, nous eûmes bientôt contourné la saillie qui, de la tente,

  1. Notre intention était d’abord de les renvoyer tous les deux ; mais, ne pouvant diviser facilement les provisions de bouche, nous dûmes modifier l’arrangement primitif.