Page:Whymper - Escalades dans les Alpes.djvu/79

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
71
CHAPITRE III.

lumière du jour puisse la traverser sur une épaisseur d’une lieue et demie.

« Les trains font la traversée en vingt-cinq minutes, en descendant la rampe d’Italie en France ; il leur faut, au contraire, quarante-trois minutes environ pour remonter de France en Italie : trois quarts d’heure de tunnel !

« La préoccupation des hommes de science depuis le commencement des travaux s’était principalement portée sur la question d’aération. Respirerait-on sous cette voûte si longue, au fond de ce trou gigantesque ? Les uns étaient pour la négative, les autres pour l’affirmative ; certains, enfin, loin de croire au peu de renouvellement de l’air, craignaient une tempête dans le souterrain : les deux extrémités se trouvant à une différence de niveau de 432 mètres, on pouvait effectivement supposer qu’il se manifesterait un violent courant d’air.

« La vérité est que l’air dans le tunnel, loin de rester en repos, s’écoule, en effet, avec des vitesses quelquefois très-appréciables, quelquefois aussi presque nulles ; mais ce dernier cas s’offre rarement.

« Il est facile de se rendre un compte exact de ce qui se passe en galerie. Dans beaucoup de tunnels, dans celui de la Nerthe, par exemple, il arrive que la fumée des locomotives sort mal du souterrain, malgré ses vingt-quatre puits d’aérage : le tunnel est de niveau ; c’est, en somme, une longue cave avec soupiraux. Les puits ont des hauteurs comprises entre 20 mètres et 180 mètres, et créent par cela même des courants variables en direction qui rabattent souvent la fumée dans la galerie. Le tirage ne s’effectue guère que par les puits les plus profonds.

« Aux Alpes, au contraire, il n’y a aucun puits d’aérage, sauf à l’entrée du tunnel du côté italien ; la galerie constitue une seule et unique grande cheminée inclinée de France en Italie.

« Le tirage s’y fait donc, comme dans toutes les cheminées possibles, en vertu des différences de pression et de température. La pression est plus forte sur le versant français de 43 millimètres de mercure en moyenne ; aussi, en général, l’air va de France en Italie.